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Campagne de prévention contre l’alcool chez les jeunes : « Une honte ! » s’emporte Bernard Jomier

Entre absence de mention des risques liés à l'alcool et conseils pour éviter la  « gueule de bois », la dernière campagne de prévention de Santé publique France et du ministère de la Santé contre la consommation d’alcool chez les jeunes, publiée le 25 septembre, provoque la colère de certains spécialistes de la question. Ils dénoncent la mansuétude du gouvernement à l'égard des lobbys de l'alcool.
Hugo Ruaud

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« C’est symptomatique et grave ». Pour le sénateur socialiste Bernard Jomier, cette campagne est « une honte ». Publiés dès lundi 25 septembre, les visuels et autres vidéos qui la composent suscitent de nombreuses réactions, entre moqueries et indignations. La plupart des commentaires pointent le caractère euphémique du message de prévention censé détourner les jeunes de l’alcool. « Ce n’est pas une campagne de santé publique, c’est presque une campagne d’accompagnement de la consommation », martèle Bernard Jomier, pour qui les visuels « associent l’alcool et la fête » et « ne mentionnent aucun risque ».

Le poids des lobbys

Certains slogans s’attirent tout particulièrement les foudres des internautes et des associations de lutte contre l’addiction à l’alcool : « Boire aussi de l’eau si on consomme de l’alcool, c’est la base », ou encore « Manger avant de boire de l’alcool, c’est la base ».  « Ces messages sont ambigus », regrette Bernard Basset, président de l’association Addictions France. Bernard Jomier va plus loin : « C’est comme si l’on expliquait à ceux qui prennent de l’héroïne que du moment qu’ils utilisent une seringue propre, ce n’est pas grave ».

 

Le sénateur de Paris pointe directement du doigt la responsabilité du président de la République. « Depuis qu’Emmanuel Macron a été élu, il y a une absence totale de politique de Santé publique concernant l’alcool ». Pour le médecin généraliste, cette campagne de prévention au rabais est le fruit de « la censure de l’Elysée ». Bernard Jomier appuie ses propos en citant les révélations de Radio France début septembre. La cellule investigation du média public révélait que deux campagnes de sensibilisation sur les risques de la consommation d’alcool réalisées en vue de la Coupe du Monde de Rugby ont été enterrées par le ministère de la Santé. Pour Bernard Basset, ces campagnes censurées poussent justement les associations et les acteurs de lutte contre l’addiction à l’alcool à être d’autant plus vigilants : « On a forcément un regard plus attentif, et c’est peut-être aussi pour cela qu’il y a autant de réactions face à cette campagne-là, quand on sait ce qui est arrivé à celles qui mentionnaient les risques ou qui se montraient plus offensives ».

 

« Les outils fiscaux ont tous été rejetés »

Face à ce qu’il dénonce comme de « l’inaction » de la part du gouvernement, Bernard Jomier se montre assez fataliste. Les parlementaires disposent bien de l’outil législatif – et notamment fiscal – pour lutter contre la consommation d’alcool. « Mais à chaque fois, c’est une bataille homérique pour parvenir à la moindre avancée, les outils fiscaux ont tous été rejetés », déplore Bernard Jomier, qui rappelle qu’au mois d’août, alors que le gouvernement avait un temps envisagé d’augmenter les taxes sur les bouteilles d’alcool, Elisabeth Borne a finalement annoncé y renoncer. « Même accoler sur les bouteilles un pictogramme représentant des femmes enceintes, il y a quelques années, avait été extrêmement difficiles », se souvient le sénateur, amer. C’était en 2018, et déjà, les lobbys de l’alcool avaient pesé de tout leur poids pour condamner cette mesure. Dans une tribune publiée par Le Figaro, 64 domaines viticoles avaient par exemple dénoncé ce nouveau logo sur les dangers de l’alcool pour les femmes enceintes. Une image « mortifère », qui fait du vin un « produit délictueux », avaient-ils estimé. Pour Bernard Basset, une partie de la solution pourrait être de séparer les messages de Santé publique France de ceux du ministère de la Santé, afin de les « décharger de leur poids politique ».

Relayant les visuels de la campagne de prévention sur son compte X (ex-Twitter), le ministre de la Santé Aurélien Rousseau a témoigné de sa « détermination à lutter » contre le « fléau de santé publique » que représente l’alcool. Et l’ancien directeur de cabinet d’Elisabeth Borne de le rappeler : « La santé publique, c’est définir des priorités et choisir des messages ». D’après Santé publique France, l’alcool provoque la mort de 41 000 personnes chaque année dans le pays.

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