Politique
Budget 2026 : Sébastien Lecornu annonce un gel des dépenses qui dépendent de Matignon
Le Premier ministre annonce une stabilité des moyens de fonctionnement pour les administrations et services placés sous la responsabilité de Matignon.
Le
Temps de lecture :
12 min
Publié le
Mis à jour le
Y aura-t-il une année blanche pour freiner la dépense publique ? Quel sort sera réservé à la fiscalité ? Quelles réformes le gouvernement va-t-il engager ? Le jour J est arrivé pour le Premier ministre. Trois mois jour pour jour après sa prise de parole sur l’état des finances publiques, François Bayrou sort du bois ce 15 juillet et va dévoiler les grands choix du gouvernement en vue des textes budgétaires de l’automne. Le chef du gouvernement détaillera les orientations pour parvenir à ramener le déficit public à 4,6 % du PIB l’an prochain, après les 5,4 % prévus cette année. Au total, cet effort représente 40 milliards d’euros, une marche qui doit par ailleurs tenir compte de l’augmentation de 3,5 milliards d’euros du budget des armées, annoncée par Emmanuel Macron dimanche.
L’annonce des grandes dispositions budgétaires à ce stade de l’année est inédite et tient à la situation politique particulièrement fragile dans laquelle le gouvernement va devoir composer. En raison du risque de censure à l’Assemblée nationale, son grand oral est risqué. Durant la première quinzaine de juillet, le ministre de l’Économie Éric Lombard et la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, ont reçu les contributions de tous les groupes parlementaires. La majorité sénatoriale, a d’ailleurs remis ses propositions par l’intermédiaire de Gérard Larcher, directement au Premier ministre.
Suivez l’intervention du Premier ministre en direct à partir de 16 heures.
Faisant référence au rapport de la commission d’enquête sénatoriale sur les aides publiques aux entreprises, François Bayrou a contesté une “addition un peu rapide” permettant de comptabiliser 211 milliards d’aides publiques aux entreprises sur un an. “Ce sont des sommes très importantes”, a tout de même concédé le Premier ministre, en proposant une “réflexion organisée autour d’un principe d’échange d’avantages : moins de subventions contre plus de liberté, de simplification et de confiance.” De nouvelles mesures de simplification devraient donc être introduites par ordonnance en échange de réduction de certaines subventions. “Tout le monde y gagne”, a conclu François Bayrou avant de préciser que ces “plusieurs milliards d’économies” n’étaient pas comptabilisés dans son plan de réduction des dépenses à ce stade, mais qu’il les croyait “plausibles.”
Dans le cadre de ce plan de réduction des déficits, François Bayrou a aussi mis l’accent sur un « effort particulier » qui sera demandé à « ceux qui ont la capacité de contribuer davantage. » Tout d’abord, le Premier ministre a déclaré une « chasse aux niches fiscales inutiles et inefficaces » – en commençant par les dispositifs « qui arrivent à extinction. »
Ensuite, un forfait annuel viendra remplacer l’abattement de 10 % sur l’impôt sur le revenu pour frais professionnels dont bénéficient aussi les retraités. Les petites retraites s’en trouveront ainsi avantagées, les retraites moyennes intouchées et les retraites les plus importantes « seront remises dans le droit commun », a détaillé le Premier ministre.
Enfin, François Bayrou a annoncé une « contribution de solidarité » qui devra « faire participer les plus hauts revenus à l’effort national. » Les contours précis de cette contribution ne sont pas encore définis et le Premier ministre a renvoyé ce débat aux commissions des Finances de l’Assemblée et du Sénat.
C’était l’une des pistes qui revenait le plus depuis des semaines. Elle a notamment été proposée par les sénateurs du socle commun. Elle est aujourd’hui confirmée. « Nous devons partager en 2026 une année blanche », annonce François Bayrou. « C’est une année dans laquelle on n’augmentera plus, ni les prestations, ni les barèmes. C’est une année où en 2026 on aura exactement les mêmes montants des retraites pour chaque pensionné que ceux qu’on avait en 2025 », explique-t-il.
« C’est un effort collectif qui concerne toutes les catégories de Français, et cette règle sera de ne pas dépenser plus en 2026 qu’en 2025. Pas moins mais pas plus. C’est un effort très important, temporaire, demandé à tous, mais qui n’aura de sens que s’il est demandé à tous », ajoute le premier ministre.
Ainsi, « l’’ensemble des prestations sociales seront donc maintenues en 2026 au niveau de 2025 et il n’y aura pas d’exception. Les Français concernés seront aidés par la presque disparition de l’inflation, prévue à 1 % ou un moins ».
« Ça veut dire que les retraites ne baisseront pas l’année prochaine et seront maintenues au même montant », explique-t-il, ajoutant que « ça concerna aussi la masse salariale publique. En 2026, il n’y aura pas de mesure de revalorisation générale ou catégorielle ».
Autre point important : « Les barèmes de l’impôt sur le revenu et de la contribution sociale généralisée seront maintenus au niveau de cette année », ce qui revient à une augmentation de l’impôt sur le revenu, pour ceux qui changeront de tranche ou ceux qui y rentreront.
« Au total, l’ensemble de ces dispositions sur l’année blanche contiendra pour 7 milliards d’euros la progression des dépenses », conclut sur cette partie François Bayrou.
Par ailleurs, François Bayrou entend « être intransigeant avec ceux qui chercher à frauder ». Pour cela, sera déposé « à l’automne un projet de loi contre la fraude fiscale et sociale», avec une mission « confiée à trois parlementaires pour suivre la mise en œuvre de ce plan ».
« Nous accentuerons la lutte contre la fraude en améliorant la détection de la fraude et surtout le recouvrement des fraudes et amendes ». Soulignant les « travaux menés au Sénat » sur la fraude fiscale, il pointe aussi « la fraude aux aides publiques, comme MaPrimeRenov, au compte personnel de formation » ou aux personnes de santé.
L’Etat devra “montrer l’exemple”, a prévenu François Bayrou. “Aucun département ministériel ne sera exempté”, a précisé le Premier ministre en annonçant une réduction de 3000 postes dans la fonction publique dès 2026. “Cet effort sera inscrit dans la durée”, a-t-il ajouté en fixant une règle de non-remplacement d’un fonctionnaire sur trois partant à la retraite pour “les années qui viennent.”
Le Premier ministre a présenté son plan « stop à la dette » en définissant une trajectoire pluriannuelle sur quatre exercices budgétaires qui prévoit de porter le déficit de 5,4 % en 2025 à 2,8 % en 2029. Pour 2026, « la marche est haute », a prévenu François Bayrou en fixant l’objectif à 4,6 % de déficit. « Tout le monde devra participer à l’effort. Face à l’ampleur de l’enjeu, il est illusoire de penser qu’une catégorie ou une autre puisse porter le fardeau », a-t-il développé en précisant que « le travail et la compétitivité de nos entreprises [devraient] être épargnés » et que « l’effort supportable par tous n’impose pas de baisse des salaires des fonctionnaires ou des pensions de retraites. »
Pour atteindre cet objectif de déficit, le gouvernement avait tablé sur 40 milliards d’économies à réaliser sur l’exercice budgétaire 2026, compte tenu des projections réalisées par Bercy – « je vous épargne le calcul », a lancé le Premier ministre. Mais à cette cible se sont ajoutés les milliards alloués à l’effort de défense, a-t-il détaillé : « Nous vivons au milieu de dangers particuliers. L’effort de notre défense ne peut pas être éludé. Au lieu de 40 milliards prévus, nous avons décidé de porter ce chiffre à 43,8 milliards. »
Face à un pays « accro aux dépenses publiques », « nous avons peu à peu perdu de vu que pour distribuer, il fallait produire », souligne le premier ministre, qui pointe aussi l’effet de « notre solde du commerce extérieur, qui est passé de l’équilibre dans les années 2000 à un déficit massif, tous les ans répétés ».
Pour y répondre, François Bayrou annonce « deux plans d’action, qui forment un ensemble cohérent », avec « un plan pour dire stop à la dette et un plan pour dire en avant la production », lance le locataire de Matignon.
« Un tel mouvement de redressement serait déjà difficile en temps ordinaire, mais les temps que nous vivons aujourd’hui sont menaçants comme ils ne l’ont jamais été », remarque le premier ministre, qui insiste sur les menaces géostratégiques avec le développement de « la violence » et de la guerre. C’est pourquoi cela nécessite un « effort inédit de réarmement ». Comme l’a annoncé Emmanuel Macron dimanche, l’Etat ajoutera « quelques 3,5 milliards d’euros en 2026 » supplémentaires « et 3 milliards d’euros en 2027 », qui s’ajoutent aux augmentations déjà prévues par la loi de programmation militaire 2024-2030.
« Cinquante années que nos dépenses publiques dépassent chaque année les recettes et, peu à peu, on s’est habitués, à ce déficit », affirme le premier ministre au début de son allocution, qu’il a intitulé « le moment de vérité ».
Pour aller plus loin