Politique
Budget 2026 : Sébastien Lecornu annonce un gel des dépenses qui dépendent de Matignon
Le Premier ministre annonce une stabilité des moyens de fonctionnement pour les administrations et services placés sous la responsabilité de Matignon.
Le
Par Romain David
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Sur le bord de la route, un brin de paille entre les lèvres, Patrick regarde l’impressionnant convoi s’engager sur le petit chemin au milieu des champs. A 71 ans, ce chauffeur de bus, « retraité mais toujours en activité », ne se souvient pas avoir déjà vu autant de monde affluer à Mormant-sur-Vernisson, petit village du Loiret de 133 habitants, devenu quelques heures durant ce lundi 9 juin, la capitale de l’extrême droite européenne. C’est ici, au milieu d’une mer de céréales, que le Rassemblement national a choisi de réunir les formations avec lesquelles il siège au sein du groupe politique Patriotes pour l’Europe, au Parlement européen.
Les principaux leaders nationalistes ont répondu présents, de Matteo Salvini, vice-président du Conseil des ministres en Italie, à Viktor Orban, le Premier ministre hongrois, en passant par l’Espagnol Santiago Abascal, président du parti européen Patriotes.eu, dont Marine Le Pen vient d’être nommée présidente d’honneur. Le Néerlandais Geert Wilders a été excusé, tout accaparé à faire chuter son gouvernement. Il s’est tout de même fendu d’un petit message par visio.
« Chez nous, on n’a jamais vu ça, si ces gens se déplacent jusqu’ici, c’est qu’ils doivent vraiment apprécier Marine Le Pen », s’exclame Patrick. « En tout cas, je préfère être ici plutôt qu’à Montargis », raille-t-il alors que la gauche organise ce même jour, dans la sous-préfecture du Loiret, à une dizaine de kilomètres de là, une contre-manifestation.
Il y a un an jour pour jour, l’extrême droite réalisait une percée inédite aux élections européennes, devenant la troisième force au Parlement européen. Mais en France, la victoire du RN (31,37 % des suffrages) a été rapidement éclipsée par la dissolution, le score décevant du parti aux législatives anticipées et, plus récemment, les ennuis judiciaires de Marine Le Pen. Mais ce lundi, sous un soleil de plomb, entre les hangars agricoles et les foodtrucks, il n’est question que des victoires à venir.
« L’objectif de ce rassemblement, c’est de fédérer l’ensemble de nos forces. Partout en Europe, nos alliés progressent », explique le sénateur RN du Nord Joshua Hochart. Le parti entend soigner sa stature internationale et veut montrer qu’en en cas d’accession au pouvoir, il ne sera pas isolé sur la scène européenne. Mais il s’agit aussi d’une démonstration de force adressée à ses principaux opposants : « Le signal politique que nous envoyons depuis plusieurs années est désormais régulier. Le RN fait des scores d’importance et ses militants n’hésitent pas à faire des centaines de kilomètres pour soutenir Marine Le Pen et Jordan Bardella. C’est un message fort envoyé à la macronie », souligne l’élu.
Devant la scène, une marée de drapeaux tricolores s’agite à chaque prise de parole. Les discours s’enchaînent, souvent autour des mêmes thèmes : l’immigration, la sécurité, la défense des frontières européennes… Les louanges adressées à Marine Le Pen se multiplient, elle est « celle qui a fait trembler l’establishment ». Matteo Salvini fait scander son nom par la foule, Viktor Orban en parle comme de la « présidente », et salue « la combattante infatigable ». De Jordan Bardella en revanche, principal artisan de la victoire du RN aux européennes, il n’est presque jamais question dans la bouche de ces différentes responsables politiques. L’eurodéputé, qui préside pourtant le groupe à Strasbourg, n’est même pas présent sur scène à leurs côtés.
Tout indique que ce meeting continental semble avoir été pensé pour replacer la fille de Jean-Marie Le Pen au centre du jeu, malgré la peine d’inéligibilité qui rend plus qu’incertaine sa participation à la prochaine présidentielle. Quand elle prend la parole, vêtue d’un tailleur immaculé, c’est pour s’attaquer à l’Union européenne, devenue « un empire marchand, wokiste et ultra-libéral », mais aussi à Emmanuel Macron « qui veut mener une guerre en Ukraine et n’est pas capable d’assurer la sécurité un soir de match à 400 mètres de l’Elysée ». Entre deux estocades, la fille de Jean-Marie Le Pen finit par évoquer sa condamnation judiciaire, sur le ton de la menace : « Ce n’est pas seulement une profonde injustice, c’est un mauvais coup à la démocratie. Ni ici, ni nulle part en Europe, nous les laisserons interdire aux peuples de choisir leurs dirigeants ! », lance-t-elle.
Lorsque Jordan Bardella apparaît enfin, après plus de deux heures de prise de parole, la chaleur est à la limite du supportable, mais au milieu de la poussière et des bottes de pailles, les drapeaux s’agitent un peu plus haut, et la foule – entre 5 000 et 6 000 personnes au plus fort de la journée – hurle son admiration au jeune élu. À l’applaudimètre, il n’a rien à envier sa mentore. Dans un discours fleuve, il reprend, pèle mêle, les sujets déjà évoqués plus tôt : « Le monstre bureaucratique » européen et la situation migratoire, entre autres. Puis, Marine Le Pen et Jordan Bardella finissent par s’offrir un bain de foule commun, manière de confondre leur popularité mais aussi de faire taire les rumeurs de dissensions entre la cheffe de file du groupe à l’Assemblée nationale et le président du RN, qui pourrait la remplacer au pied levé pour 2027.
Un peu plus loin, le député Thomas Ménagé multiplie lui aussi les poignées de mains et les selfies. Il est le localier de l’étape, c’est lui qui a eu l’idée de faire venir ces différents dirigeants au milieu de sa circonscription. À Mormant-sur-Venisson, en juin dernier, il a rassemblé 89,86 % des voix au second tour face au candidat communiste. « C’est sûr qu’ils sont plus habitués à faire des discours à Athènes, Budapest ou Madrid, mais nous voulions mettre en avant cette France rurale que l’on aime et que l’on veut faire rayonner », explique-t-il. « On s’est battu pour que ça se passe ici, dans un cadre champêtre. On est récompensé, car le soleil est au rendez-vous. »
Dans la foule, Marlène, 63 ans, venue en voisine avec son compagnon, ne cache pas son émotion à l’idée de voir pour la première fois, « en vrai », Jordan Bardella et Marine Le Pen. « On a laissé le gamin à la maison et nous sommes venus pour défendre nos valeurs », lance-t-elle. L’inéligibilité de Marine Le Pen ne l’effraie pas : « Bien sûr, c’est dommage… Mais Marine ou Jordan, peu importe ! » Isabelle, 54 ans, qui assiste à son premier meeting politique abonde : « L’un ou l’autre, il n’y a pas de différence. On le voit bien dans les sondages. »
« Voir autant de monde rassemblé, avec autant de drapeaux bleu, blanc, rouge, ça me fait du bien », confie Laurent, 54 ans, qui a fait une heure de route depuis Auxerre pour voir « tata », le surnom dont il affuble Marine Le Pen. Mais lorsqu’on lui demande qui de la députée du Pas-de-Calais ou du député européen a sa préférence, il finit par avouer : « Un peu plus Jordan… À cause de ma fille qui l’aime bien ».
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