« 30 minutes pour juger une vie, c’est de la mauvaise justice », reconnaît Anne-Sophie Quideau, magistrate à Lorient
Depuis des mois et alors que se tiennent les Etats généraux de la justice, magistrats, greffiers et avocats à l’unisson manifestent régulièrement et dénoncent le malaise d’une approche gestionnaire de la justice. Dans « Dialogue citoyen », Anne-Sophie Quideau, juge d’application des peines au tribunal de Lorient témoigne de son quotidien, où elle est parfois obligée de juger trop vite.

« 30 minutes pour juger une vie, c’est de la mauvaise justice », reconnaît Anne-Sophie Quideau, magistrate à Lorient

Depuis des mois et alors que se tiennent les Etats généraux de la justice, magistrats, greffiers et avocats à l’unisson manifestent régulièrement et dénoncent le malaise d’une approche gestionnaire de la justice. Dans « Dialogue citoyen », Anne-Sophie Quideau, juge d’application des peines au tribunal de Lorient témoigne de son quotidien, où elle est parfois obligée de juger trop vite.
Marie Bremeau

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Ancienne greffière, Anne-Sophie Quideau a embrassé la robe de magistrate en 2012. Aujourd’hui elle est juge d’application des peines au tribunal judiciaire de Lorient, et aménage les peines des personnes condamnées. Ses lundis matins se suivent et se ressemblent mais cette dynamique quadragénaire aimerait qu’ils changent. « Les lundis matins, je reçois entre 12 et 15 personnes, et j’ai donc 10 à 15 minutes par personne à accorder pour pouvoir jauger d’une situation, nécessairement problématique puisqu’on en arrive à de la condamnation ferme. Donc ce sont des gens qui ont eu un parcours lourd, des difficultés sociales souvent très lourdes aussi, un parcours social marqué par les addictions. »

« La justice est trop lente et nous, on juge trop vite »

La voix serrée, Anne-Marie Quideau concède juger parfois trop vite, par manque de temps, au vu de la pile de dossiers qui s’accumule toujours plus sur son bureau. La magistrate, que l’on sent à bout, affirme même : « la justice est trop lente et nous, on juge trop vite ». Pour preuve, elle décrit le rythme de l’audience correctionnelle spécialisée dans les violences intra -familiale qu’elle doit présider dans quelques jours. « Si je respecte la norme que l’on s’est fixée j’ai 30 minutes par dossier. C’est-à-dire, 30 minutes pour juger une personne auteure de violence, entendre la victime, chercher, essayer de comprendre pourquoi, entendre évidemment les réquisitions du procureur et prendre ma décision. 30 minutes par dossier pour juger une vie, une situation, des années difficiles, c’est impossible et c’est de la mauvaise justice. »

Ces conditions de travail, « quasiment surhumain »

Une situation douloureuse pour les justiciables mais aussi pour les professionnels de la justice, en souffrance au vu des cadences et de l’engorgement dans les tribunaux. Une situation dont a conscience le président de la Commission des lois (LR) au Sénat, François-Noël Buffet qui milite pour un budget encore revu à la hausse. « Quand on est obligés de travailler dans ces conditions-là c’est quasiment surhumain pour arriver à faire face et à rendre une bonne justice. Les magistrats font le travail, les équipes font le travail, mais ça repose beaucoup plus sur la bonne volonté que sur la sérénité d’une organisation qui permet de prendre le temps. Il manque des magistrats. »

« Quand on est obligés de travailler dans ces conditions-là c’est quasiment surhumain pour arriver à faire face et à rendre une bonne justice. », François-Noël Buffet

Et pourtant durant la présidence d’Emmanuel Macron, 698 ont été embauchés, soit beaucoup plus que sous les deux précédents quinquennats. Mais les besoins sont encore colossaux. Mi-février, les présidents des tribunaux judiciaires ont fait leur calcul. Ils estiment qu’ils manquent aujourd’hui 1 500 magistrats du siège dans les juridictions de première instance, soit 35,5 % des effectifs.


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